Thursday, October 4, 2007

Jean-Pierre Rosnay

né en 1926, à Lyon, de double origine : lyonnaise et drô- moise.
Très tôt il perd sa mère et sera élevé par un oncle, professeur à l'Ecole Normale
Supérieure, dans la bibliothèque duquel, rapidement, il se familiarise avec les
auteurs essentiels de notre littérature.Il commence à écrire très jeune.

La figure de Violette, sa mère, ne cesse de le hanter pour devenir la sainte et l'é- gérie, un bouleversant visage qui ne cessera de l'accompagner et de l'inspirer tout au long de sa vie.

A seize ans,il s'engage dans la Résistance,où il fait la connaissance de Louis
Aragon et d'Elsa Triolet.Fait prisonnier, il tombe entre les mains de Klaus Barbie.
Il s'évade.

Après la guerre,il crée sa propre maison d'édition afin de promouvoir de jeunes
poètes.Démarchages à domicile,afin,comme il le déclare lui-même,de" rendre la poé-
sie contagieuse et inévitable ". Cette poésie,il lui vouera sa vie entière.

Rencontre avec Marcelle Moustaki,une jeune fille grecque dont la famille vit en
Egypte et qui fait ses études de Lettres en Sorbonne.Le "coup de foudre" est immé-
diat et réciproque.Mariage,dont naîtront quatre enfants.

Jean-Pierre Rosnay publiera chez Gallimard :" Le Treizième Apôtre ";"Comme Un Bateau Prend La Mer"; " Les Diagonales " (oeuvres qui furent à l'époque saluées par la critique ); Gallimard où naguère il travailla comme lecteur,sous la houlette
de son "patron" et ami : Raymond Queneau .

En 1961,Jean-Pierre Rosnay crée Rue de Bourgogne à Paris: "Le Club des Poè-
tes", lieu fréquenté par les plus grands (de Neruda à Aragon,en passant par Saint-
John Perse):aujourd'hui encore,on y dit des poèmes,on y échange des idées.C'est un
lieu de rencontre.

Jean-Pierre Rosnay anima de nombreuses émissions télévisées ( son "Bonsoir,amis,
bonsoir " est resté dans les mémoires...) et radiophoniques durant plus de 18 ans,
mettant en lumière des visages de poètes parfois peu connus à l'époque.

Durant de longues années il ne publie plus, se vouant à la vie du Club, avec son
épouse Marcelle, éditant de jeunes poètes et dirigeant la revue " Vivre en Poésie ".
Il crée également un réseau de poésie sur minitel qui permet à ceux qui habitent loin de Paris de se rencontrer télématiquement,puis de faire connaissance et de se sentir ain- si moins isolés.Cette fonction de "rassembleur" est chère à Jean-Pierre Rosnay .
En 1994, il recommence à publier : " Fragment et Relief "; " Ab Immo Pectore "
( 1995 ); " Femmes " ( 1997 ),avec des dessins de Robert Petit-Lorraine qui avait déjà illustré Saint-John Perse.

La poésie est la "respiration" de Jean-Pierre Rosnay,qui poursuit à l'heure actuelle sa double mission : promouvoir les poètes et s'adonner à sa création propre.
Une thèse de doctorat sur son oeuvre est actuellement en cours d'élaboration aux
Etats - Unis.

Voici

à Lou

Voici un cerf-volant dessiné dans le ciel
Tout un bas-relief d'aristoloches
Une motocyclette à l'ombre des subtilités aux
planches vermoulues

Voici des bonbons anglais dans un bocal
Du lait répandu devant la porte
Un crapaud dans le coin de la cave
(vous le voyez nous ne sommes pas seuls)
Un coq chante il débagoule que nous sommes condamnés
à toutes les indigences toutes les ignorances
toutes les inquiétudes
à toutes les folies

Voici le champ d'asperges et puis voilà la guerre
qui n'est vraiment passionnante qu'au cinéma
Voici le cerf-volant dessiné dans le ciel
Et puis voilà la guerre coprophage et puante

Voici des champignons paillotes des champs
Chant du sang de la terre

Voici le tournant qui revient sans cesse
le facteur de Chanteuges qui connaît le contenu
de chacune des lettres qu'il porte rien qu'au toucher
Quelqu'un parle d'avenir il dit ce que nous voulons
nous le pouvons
Il dit je t'écrirai plus longuement plus tard

Voici l'escalier qui semble n'avoir rien à voir avec la demeure
Un escalier patient comme sorti de terre
Et voilà notre soif qui nous départage dès l'aube
et fait parfois d'un arbre un cri d'ombre et d'oiseau

Voici l'escalier qui semble n'avoir rien à voir avec la demeure
escalier patient comme sorti de terre
Voilà cette femme d'avant qui parle près du poêle
qui parle de ses enfants partis qui reviennent sans cesse
dans la conversation

Voici les champs bordés de pissenlits
Voici la montagne traversée d'un âne les fusains
La maison fermée où nous ne dormirons jamais

Voici Madame de Warens dans l'esprit de
l'adolescent qui s'emploie avec son canif à tirer
une canne d'une branche de noisetier

Voici des faits divers sanglants douteux
Et puis comme un leitmotiv voilà la guerre
coprophage
et puante
Quelqu'un s'arrache de la foule et jette
Vive la Liberté
Qu'est ce qu'il dit demande le voisin
Ce n'est rien dit l'autre en haussant les épaules
encore un exalté

Voici l'auberge où la patronne répétait à son mari
Abrège abrège souviens-toi
Il ressemble à ( tu sais bien )
il me fait penser au petit de la fille de ( tu sais bien )

Voici ce que nous sommes et ce que nous étions

Voici la mer

La mer qui rend toute parole sublime et superflue
La mer cette entreprise cette machination de Dieu
Sa preuve sa négation sa géniale publicité

Et puis

voici la mer

Le Chemin
°°°°°°°°°°°°°°°°°°
à Silvaine Arabo

Le chemin n'était pas causant.
Un arbre tous les deux cents mètres,un pan de mur dont on avait du mal
à reconstruire l'histoire.
Une pancarte : Propriété privée - chien méchant.Et pas de propriété,pas
de chien.
Un moulin sans elle,au fond d'un vague terrain vague.
Le chemin n'était pas causant,interrompu subitement par une portée de no-
tes de musique - pas de soleil,pas de pluie,pas de neige,pas de vent,rien que
des remords,et toujours ce même mendiant - Vous n'auriez pas un bout de
pain?La nuit était déjà bien entamée.Aucun espoir de découvrir la mer au tour-
nant,aucune illusion à se faire - depuis un long moment,je connaissais l'issue.
Fermant les yeux,pour gagner du temps,je voyais d'interminables forêts
de cierges se consumer imperceptiblement,lentement,si lentement qu'on pou-
vait naïvement espérer leur échapper.
Il n'y avait pas de femmes nues,à supposer qu'il y ait eu des femmes,elles
eussent perdu tous leurs attraits féminins,toutes leurs dents,toutes leurs grâces.
Les chats hurlaient comme des loups,les oiseaux se cognaient aux nuages et
tombaient dans l'infini comme de mauvaises nouvelles.
Je suivais mon crayon,sans plus rien attendre de lui.Il était littéralement de-
venu fou - grisé d'inutile liberté et d'images curieuses - et je tournais,tournais,
dans les allées du cimetière,pour rejoindre ma tombe.
Une fois encore,comme avant,je m'étais perdu.Soudain,j'eus peur que l'on
ne retrouvât,au matin,mon cadavre méconnaissable sur la tombe d'autrui - ou
sous la table,dans la petite baraque,où les fossoyeurs entreposent leurs outils et
changent costume et chaussures,avant que de reprendre ( après avoir vidé quel-
ques verres ),leur tâche jamais achevée.

LIGNE 7

à Daniel Repoux

Il y a quelqu'un qui marche sur ma tombe. Si on ne peut pas être tranquille, même là !
Maintenant, c'est acquis, Dieu est facultatif, pyramidal, pas trop volumineux. Ici, chacun a le sien en
contre-bas.
J'observe un lac gelé où coule un lent soleil noir. C'est sublime. Des chiens qui sont des loups mais
qui heureusement ne le savent pas, poursuivent mon passé. J'ai enfin couché avec ma cousine, l'autre ne
saurait tarder.
Quelqu'un marche sur ma tombe et ça m'irrite. Mon éternel repos est troublé. Ce n'est pas un pas d'en-
fant, je m'en régale. Ce n'est pas le pas gauche et musical de l'amour sur le chemin du rendez-vous. Ce
n'est pas le pas de celui qui va à la guerre ou qui en revient. Je connais bien ce pas, et même ce qui dis-
tingue le pas de celui qui s'en va défendre son petit fourniment d'idées, son ciel ou sa terre ( et moins elle
est sa réelle possession et plus il la défendra ), du pas abject et mal sonore du mercenaire. Ce n'est pas
le pas du savant ou du philosophe à la poursuite solitaire des idées.
C'est le pas veule, de l'homme émasculé de sa spécificité d'homme, l'homme qui fait entrer des hom-
mes dans son calcul. Celui qui dit à celui-là : il m'en faut quinze cents, là, faites le ramassage à l'aube,
avec les autocars de la ligne 7. Si vous n'avez plus de Portugais, mettez-moi des Arabes.
Il y a quelqu'un qui marche sur ma tombe. Le coq a relevé sa crête et lance son appel stupide et sans
objet. Dans le tiroir, le couteau qui va lui trancher la gorge comme une poignée de joncs est prêt, le coq
est blasphémé, et la poule picore mécaniquement des grains de pas grand-chose entre deux phrases.
Il y a un lycéen qui entre dans mon poème.
- Salut, jeune homme, tiens prends ça, ça, si ! N'hésite pas, je l'ai mis de côté durant ma vie pour toi.
Je t'attendais, ne me remercie pas. Il y a une lave qui coule de mon oeil gauche et quelqu'un qui marche
sur ma tombe, quelqu'un d'inopportun, qui par sa présence m'offense profondément, jusque sous la
terre.
On ne devrait laisser entrer dans les cimetières que les enfants, les amoureux ou les orages, car rien
ne m'est désormais meilleur que boire la pluie mêlée d'éclairs, sans lèvres et sans regard.

ORDRE DU JOUR
à Andrée Sanka

Tenir l'âme en état de marche
Tenir le contingent à distance
Tenir l'âme au-dessus de la mêlée
Tenir Dieu pour une idée comme une autre
un support une éventualité
une contrée sauvage de l'univers poétique
Tenir les promesses de son enfance
Tenir tête à l'adversité
Ne pas épargner l'adversaire
Tenir parole ouverte
Tenir la dragée haute à ses faiblesses
Ne pas se laisser emporter par le courant
Tenir son rang dans le rang de ceux qui sont
décidés à tenir l'homme en position estimable
Ne pas se laisser séduire par la facilité
sous le prétexte que les pires se haussent
commodément au plus haut niveau
et que les meilleurs ont peine à tenir la route
Etre digne du privilège d'être
sous la forme la plus réussie: l'homme.
Ou mieux encore, la femme.

Enfants qui déjà prenez place
Quand vous aurez grandi
Au point d'être conscients
Du mal du temps qui passe
Et s'arrache de nous
Plus mal qu'un pansement
Vous qui pousserez de l'avant
Nos vieux rêves de liberté
Enfants
Consultez quelquefois les miroirs
du passé
Et vous y relirez
Les traits de ces visages
Qu'un temps nous avons habités
Enfants gentils marins des traversées prochaines
Ayez une pensée de sel pour nos vieux équipages
Lorsque vous voguerez debout vers le même naufrage
Où debout nous aurons sombré

Nous avons tout dit tout nous reste à dire
Il nous faudra tout délier
Les coeurs sont comme des tirelires
Pour en voir le fond il faut les briser

Nous avons tout dit tout nous reste à dire
La mer à boire O nuit d'été
Les coeurs sont comme des tirelires
Pour en voir le fond il faut les briser

Nous avons tout dit tout nous reste à dire
Je t'aimais bien trop pour t'aimer
Les coeurs sont comme des tirelires
Pour en voir le fond il faut les briser

FRANCE

Ils disaient tous ma France
Ou la France éternelle
Et chacun te prenait un peu de plume à l'aile
Mais quand l'ennemi arriva
Les guérites étaient là
Et plus les sentinelles

Ils disaient tous ma France
Ou la France éternelle
Moi je t'aimais et je ne disais rien
Je n'avais pas seize ans
France tu t'en souviens

Ils disaient tous ma France
Ou la France éternelle
Je n'ai rien dit moi j'étais trop enfant
J'ai pris le fusil de la sentinelle
Et puis c'est fini maintenant

France

Pardonne-moi si je te le rappelle
Je me sens si seul par moments

Ils disaient tous ma France
Ou la France éternelle

ÉPITAPHE

Je ne suis né que pour quelques poèmes
Ma vie n'existe qu'en plein chant
Je les portais du bout des temps
Et je chantais à perdre haleine

Je discourais d'amour la nuit au pied des arbres
Et la nuit m'accueillait et la forêt m'aimait
Je ne veux sur ma tombe ni le fer ni le marbre
Mais je souhaite un ruisseau et quelques roitelets

Je ne veux rien sur ma dépouille
Rien qui puisse me rappeler
Rien qu'un peu d'eau pour les grenouilles
Et quelques enfants à jouer

J'aimais tant le chant des grenouilles
Glissant l'anneau d'or de l'été
Et les enfants mal décoiffés

Je ne suis né que pour quelques poèmes
Qui m'aime m'oublie par amour de moi
Rien n'est plus urgent que la vie
La vie qui fuit entre nos doigts

VERTIGE DE L'ÉCRITURE

Un mot pour un autre - partir à la montagne - partir avec la montagne, avec la mer - se quitter un
moment - se réveiller osier, nacre, poêle à frire - se retrouver dans les entrailles de sa mère - ne jamais
avoir existé, ne pas avoir été compromis par la vie, par les autres, par soi.
Il me faudra du temps pour oublier cette fâcheuse et tortueuse affaire, l'existence humaine. Qu'au-
rai-je vu ? Qu'aurai-je rencontré ? Pas même Dieu, me serai croisé à peine - trop pressé pour me recon-
naître.
Toujours comme une marée ce flot de sentiments brisés sur l'écueil, toujours cette réalité sans har-
monie ni délicatesse, cette chute sans ailes dans un escalier sans marches, ce fond sans fin - je crois
que j'en sortirai meurtri, marqué pour l'éternité.

COMME UN BATEAU PREND LA MER

Je ne veux rien savoir
Rien écouter et rien entendre
J'élude le blanc et le noir
Et j'ignore le vert le plus tendre
Je ne veux ce soir rien comprendre
Mais te voir te boire et te prendre

Je te prendrai comme un bateau prend la mer
Je briserai les vagues
Je te prendrai comme un oiseau fend l'air
Je te prendrai comme on plante une dague
Je te prendrai
Comme un clochard arrache la monnaie au
fond de sa sébile
Et comme mille avions bombardant une ville
Je te prendrai comme on puise à la source
Et comme le voleur dans le sang prend la bourse
Je te prendrai
Comme le jour qui balbutie entr'ouvre à demi
la paupière
Je te prendrai comme un moine dans sa prière
Comme un voyou lançant sa pierre
Je te prendrai comme on pend la sorcière
Je te prendrai comme on peindrait sa mère
Je te prendrai dans le coeur de ma main
Comme un enfant comptant ses billes
Ou peut-être au creux d'un chemin
Comme un garçon et une fille
Dans les senteurs du romarin
Je te prendrai mon doux chagrin

SAINT-TROPEZ PRIEZ POUR NOUS

Je suis assis à la terrasse du Sénéquier.
Nous sommes un premier août mil neuf cent et quelques, un dimanche, il est environ six heures trente.
Voilà bien une demi-heure que j'ai oublié le port.
Il n'y a plus de port à Saint-Tropez, plus de mer.
Le port et la mer, cela n'existe que sur les guides touristiques. Ici, il y a des yachts, la môme Moineau,
Ali Khan et de temps à autre, Onassis le Grand, le célèbre Onassis et le pitoyable défilé de la petite piétaille
des aveugles endimanchés, des plaqués or, des Burma, le lamentable troupeau des laudateurs, des imita-
teurs, des aveugles, des marionnettes aux yeux brûlés par l'éclat de l'or.
Le monde d'aujourd'hui se résume en ceci : les têtes brûlées, les coeurs brûlés et les yeux brûlés.
J'erre sue une terre brûlée sans fin.
Sans faim de rien.
L'horizon fuit et se limite et se perd entre les jambes des femmes.
Le plus souvent se bornent-t-ils ( les aveugles ) à la contemplation des vêtements de plage, multicolores
et savants, qui les épuisent avant qu'ils n'aient trouvé la force de les ôter.
La mer s'est retirée de Saint-Tropez.
La mer s'est retirée.
La mer a mis les voiles.
La mer s'est retirée de Saint-Tropez pour toujours.
Elle ne reviendra plus jamais la mer.
En partant, elle a laissé, çà et là, des filles folles qui rêvent de devenir garçons dans les bras factices de
garçons qui rêvent de devenir filles.
Bronzage à l'ombre solaire, bronzage chimique...
Tout ici est désolant, comme une vitrine de la rue de la Paix.
J'ai accosté par hasard une femme. Elle a accepté mon rendez-vous.
J'en étais fort heureux, quand elle ajouta pour m'expliquer son attitude que son mari était pharmacien.
J'en aurais pleuré.
Saint-Tropez priez pour nous.
Que la mer revienne dans le port, avec de véritables bateaux chargés de cargaisons d'hommes vrais, et
que la pluie balaie des petites ruelles pittoresques du vieux quartier, les débris d'humanité qu'on voit flot-
ter sur l'asphalte surchauffé, comme des mouches à merde.
Saint-Tropez priez pour nous.

Le poète tend à faire du monde une suite de mots habitables. Toute une série de
visages enchâssés dans la mémoire dévorent du regard les preuves actuelles. Le boeuf
devient un taureau tremblant de haine, ou bien encore des sentinelles surgissent à la
crête des vagues en hurlant : « Qui va là ? Qui vive ? ».
Accablée de soleil, une guirlande de baigneuses tombe sur le sable. Mais qui pour-
rait nous rassurer ? On est attaqué du dedans.

Poèmes extraits de " Ab imo Pectore "


Supprimer la Ponctuation
°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Un jour,bientôt,déjà peut-être,
Longtemps,longtemps,je serai mort.
Aucun oiseau à ma fenêtre
N'egayera plus le décor.

Les chats,que flattent les poètes
Bien qu'ils les châtrent sans scrupules,
Miauleront dans les campanules
Qui tant ressemblent à des clochettes.

D'autres grimperont au rideau
Et s'attireront les sarcasmes
D'humains dont l'ordre est le credo.
Quel était le prénom d'Erasme,

Qui vient de me prêter la rime,
Dont l'usage séduit l'oreille
Bien qu'il soit tenu pour un crime
Par des poètes mes pareils ?

Mais revenons à l'essentiel,
Je veux dire l'absence de moi,
Qui préférais l'abeille au miel
Et l'ombre de la Reine au Roi.

Poème extrait du recueil: " Fragment et Relief "


Femmes
°°°°°°°°°°°°

Chaque femme est le point vivant,mobile,unique et précis,
vers où convergent tous les sentiments d'un homme,qui pour
elle goberait les océans,boirait la cigüe,abreuverait les pierres
ou les oiseaux de chaque goutte de son sang,contre un souri-
re,un regard,une parole pas forcément audible,un murmure,
un geste,même inachevé.
Chaque femme est, a été ou sera cette brûlure à rien d'autre
comparable,qui laisse d'invisibles et ineffaçables cicatrices sur
l'âme d'un homme.

Ne souriez pas,pas un mot déplacé surtout,je vous le rappelle,
cet homme,touché par cette grâce obscure et flamboyante qui court
les rues,est devenu,le temps de cet amour,un fauve,un tueur en
puissance,avec qui mieux vaut ne pas plaisanter.
Là,derrière ce rideau,c'est elle.Vous la voyez dans les couloirs
du métropolitain,c'est encore elle,vous la voyez à bicyclette,c'est
toujours elle,elle nage,elle danse,elle relace sa sandale,elle arrive,
elle part,traverse,elle prend l'avion,elle nage,elle répond à vos
questions,elle prend note,elle vous rappellera,elle est absente.

Théâtre escorté d'ombre et de soleil,chaque femme est l'héro-
ïne d'un chef-d'oeuvre qu'il suffirait d'écrire.

Poèmes extraits de " Femmes "